L’art de peindre ce qui se montre à mes yeux
Il y a de multiples manières de peindre. Je ne dis rien de neuf et tout le monde le sait. Question de techniques, de tempéraments, de choix, de sensibilités... Je voudrais amener l’observateur à prendre certains points de repère qui vont l’aider à cheminer à travers mes peintures. Mais, n’est-ce pas là forcer l’observateur, l’obliger à regarder les choses selon un procédé qui ne vient pas de lui? Au fond chacun voit ce qu’il veut, suivant les penchants de sa propre imagination. Vaste débat !
Je vais faire remarquer d’abord un point essentiel. Si j’ai opté pour le réalisme, c’est que j’accorde de l’importance aux objets tels qu’ils se présentent à la vue. Dans ce contexte là, certains diront qu’il est de toute évidence clair que les détails sont importants. Oui, mais jusqu’à quel point ? Pour ma part je respecte bien les détails, mais là ne s’arrête pas le processus. Prendre la peine de détailler n’est qu’un moyen, ce n’est pas le but. Je fais remarquer d’ailleurs que peindre les objets «tel qu’ils se présentent à la vue» laisse entendre qu’il n’y a qu’une seule manière de les peindre. Ceci est radicalement faux et tout le monde tombe d’accord sur le fait que chaque peintre désire y mettre sa touche personnelle.
Doit-on peindre la réalité telle qu’elle est ou bien telle qu’on l’imagine ? Vaste question !
L’observateur peut bien user de son imagination face à chaque peinture peinte par un peintre. Il est devant une manière de voir et il est invité à participer à une sensibilité qui va gagner du terrain grâce à lui. Mais remarquons d’emblée que ce que l’observateur voit en premier lieu, c’est une manière de faire et que c’est en partant d’une peinture singulière et toute personnelle que par la suite il peut se délecter et laisser libre cours à son imagination. En somme, l’imagination de l’observateur est conduite. Il s’y greffe alors des impressions personnelles et le jeu des rencontres fait que le charme d’une peinture rencontre la sensibilité personnelle de l’observateur.
On m’a posé maintes questions sur ma manière de présenter la nature. Manifestement, je n’aime pas donner l’impression que dans mes paysages on puisse faire un piquenique, par exemple. Il serait fort instructif que je vous fasse une étude détaillé des procédés que j’utilise pour parvenir à mes fins. Mais je laisse le soin aux historiens et aux esthéticiens, car je suis incapable de d’expliquer entièrement le sens de mon travail. Ce n’est pas que je considère les explications des historiens et esthéticiens ne valant rien, c’est tout le contraire. Mais comme je suis peintre, je dois parler comme un peintre, je dois écrire en pensant à mes pinceaux. Je peux donc fournir des explications qui vont être précieuses pour ceux qui voudront, un jour, étudier ma manière de conduire ma peinture. Manifestement peindre et écrire sur la peinture, sont deux choses radicalement distinctes, mais qui entretiennent des liens infinis.
En revenant à l’art de peindre, je voudrais souligner une chose importante à mes yeux. La peinture pour moi ne doit pas forcément exprimer des sentiments agréables, mais des sentiments vrais. J’aime regarder la nature sous plusieurs angles. Parfois, il me semble qu’une portion de terre où pousse du chiendent peut recéler des secrets et aboutir à une scène dramatique entre les figures, les ombres et les contrastes. En construisant alors ce paysage, le point de départ – c’est-à-dire cette portion de terre où pousse le chiendent – est alors oublié et il me vient alors en imagination bien des choses autre que ce point de départ. Je ne cherche pas alors à mettre en évidence cette portion de terre, mais toutes les possibilités plastiques qu’il détient. Je pense alors comme un peintre abstrait, je m’éloigne des choses, j’oublie que ceci est un brin d’herbe, que cela est une ombre portée. Cependant, lorsque je suis en phase terminale et que mon tableau achève, je pense à ce coin de terre singulier et je tente de ramener mes délires formels à ce point de départ, en cherchant l’harmonie la plus totale entre ce qui est imaginé et ce qui est réel.
Lorsque le tableau est terminé, j’aime alors m’évader et c’est à ce moment là que la peinture devient un passetemps agréable. Durant l’exécution, la sueur, le doute, la fatigue s’emparent de moi et je n’ai qu’un but : voir la lumière au bout du tunnel ! Peindre n’est pas une partie de plaisir, pas plus que pour Karpov jouer une partie d’échec ! Je veux dire que ce n’est que lorsque le tableau est terminé et que je considère qu’il est bien et beau que je peux alors me reposer et trouver du plaisir à peindre. Bien sûr, avant de peindre, lorsque j’ai une idée et que je ne peux penser à autre chose, mon plaisir est beau, durable et rien le peut le mettre en doute.
Oui, je l’avoue, je suis fort inspiré par l’art abstrait. J’aime la force et la violence que l’on peut produire en mettant en évidence les forces contenues dans une ligne, une masse sombre, un contraste.
Quelle est alors la place de la sensibilité dans ma peinture ? Je n’en sais rien. Pourtant, mille et une impressions me parcourent en travaillant sur un sujet. J’aime imaginer que derrière mes scènes naturelles, se cachent des forces invisibles qui expriment des sentiments tels qu’on les retrouve chez Picasso, chez les peintres qui ont chanté la douleur, le drame et la tragédie. Tenez, j’apprécie énormément l’art de Roberto Matta et je m’en inspire très souvent. Quand j’avais dix sept ans, je tombais en extase devant les œuvres de Pierre Soulages et je m’imaginais que ses lourdes barres noires sur fond blanc étaient d’immenses poutres s’écroulant dans un bruit étourdissant. J’ai longtemps cherché à traduire en peinture la force d’un Edgard Varèse ou la folie improvisée du free Jazz. J’ai cherché à traduire dès le début, des impressions et des sentiments forts, plus proche du tragique que du sensuel. Je regrette parfois de ne pas atteindre la délicatesse d’un drapé ou la douleur matinale d’une fleur. Je trouve souvent du plaisir dans la contempation des pierres nues où parfois je vois de visages tourmentés et silencieux.
«En bordure de la forêt» Acrylique sur toile - 2004 (prix:500$)
La composition de cette oeuvre a été directement inspiré par l'art abstrait tel qu'il s'exprime chez un Pierre Soulages ou un Paul-Émile Borduas. Pour ma part, tout en gardant un vif intérêt pour la représentation réaliste, j'ai voulu mette l'accent sur les contrastes, ceux entre la lumière et l'ombre et ceux entre les formes (lignes verticales et horizontales).
«Chute libre» Acrylique sur panneau, 60x76cm - 2002 (prix 980$)
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«L'étang gelé» Acrylique sur panneau, 60x76cm - 2005 (Coll. privée)
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«Clairière» Acrylique sur panneau, 45x60cm -2006 (Coll. privée)
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«La brouette» Acrylique sur contrepaqué, 23x42cm - 2012 (prix:600$)
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«Buse en hiver» Acrylique sur MDF, 22.5x37cm
- 2012 (Coll. privée)
- 2012 (Coll. privée)
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«Paysage minéral» Acrylique sur carton, 26x31cm - 2006 (prix:300$)