Je dédie cette page à mon ami Gilles Plante
« […] Beau […]…comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie !» Comte de Lautréamont
L’idée de représenter des objets fabriqués ne m’est pas nouvelle. Lorsque je tombe sur un sujet digne d’être représenté, ce n’est pas tant la valeur esthétique de l’objet lui-même qui m’attire, mais plutôt les «forces» contenues en lui, je veux dire les lignes, les masses, les contrastes, etc. Et puis, voyant une paire de pinces, par exemple, mon imagination la transforme aussitôt en un animal sauvage d’une autre époque. Quand j’étais enfant, jouant avec les outils de mon paternel, je m’imaginais un vaste bestiaire. J’y voyais de tout : mâchoires, canines, pattes, vertèbres, ailes, yeux… Je comprends maintenant mon admiration pour le peintre Roberto Matta et pour les interminables beaux livres de sciences naturelles !
Ces objets qui figurent dans cette page, je n’ai pas voulu les représenter avec force détails. D’ailleurs cet exercice est non seulement nul artistiquement, mais ennuyeux et facile à réaliser, malgré ce qu’on en pense. La difficulté tient à ceci : représenter juste ce qui est nécessaire pour reconnaitre les parties de l’objet. C’est plus difficile suggérer que représenter intégralement. Cette manière me permet de mettre en évidence soit la griffe du crayon traçant des lignes, soit la souplesse tranquille ou nerveuse du pinceau. À la rigueur je pourrais presque dire que c’est cette ligne tracée par le crayon et cette flaque de peinture qui est l’objet de mes préoccupations, cherchant toujours à la rendre agréable.
Malgré tout ce qui vient d’être dit, je connais un peintre qui se donne un mal fou à reproduire exactement tout de l’objet. On serait presque tenté de dire qu’il ne rêvasse pas un instant et que son atelier ne reçoit que des impressions de mesure, des chiffres et des conjectures géométriques. Pourtant, c’est un artiste extraordinaire et un artisan méticuleux. Lorsqu’on entre dans ses œuvres, on a l’étrange impression d’être dans une scène cinématographique au moment où il se passe l’évènement clef de l’histoire. Une personne, voyant uniquement cette scène filmée, ne peut comprendre toute la portée émotionnelle car l’ensemble lui échappe. Alex Colville parvient, en une seule toile, à traduire une forte émotion à partir d’éléments aussi anodins que peuvent être un facteur portant une lettre ou un homme buvant un verre de lait, la nuit. La fascination de ses œuvres ne procède absolument pas de son acharnement à reproduire exactement un objet, mais la merveilleuse manière qu’il a de nous faire à croire que ce moment précis, peint par lui, entre en concert avec la vie elle-même, vie faite de joies et de peines. Alors qu’un fait banal se produit, exactement au même moment, quelque part, un homme meurt, un autre souffre, un autre garde dans son cœur un terrible secret…
Et puis, il y a l’atelier. Lieu formidable qui est la rencontre merveilleuse de l’imagination et de la matière. L’artiste passe le plus clair de son temps dans cet espace et la forme qu’il désire réaliser n’est au fond que son âme en perpétuel appétit. Cet appétit ne peut être que le désir du Beau. Entouré de crayons, papiers à dessin, pinceau, vernis, ciseaux, pinces, toiles, panneaux, un crâne, je suis un artiste qui consacre toute son âme à transformer le temps en impressions durables. Qu’on vienne donc me voir dans mon atelier, je ne suis pas avare de confidences ! Si je peux donner un conseil aux jeunes artistes : Ne pensez jamais faire de l’art parce que vous tenez à être reconnus, non, il faut aimer la beauté, la chérir comme on aime une personne à qui l’on ne veut aucun mal. Rainer Maria Rilke disait quelque chose comme ça : Si tu es capable de vivre sans faire une œuvre d’art, alors il est préférable de ne point en faire. Par contre, si ton âme aspire ardemment à en faire, tu le verras et le sentiras au plus profond de toi.
Je n’ai pas un attachement particulier pour tel ou tel penchant dans ma recherche esthétique. Je me laisse volontiers porter par mes humeurs et souvent il m’arrive de revenir sur mes pas en entrant en contact avec un peintre ou une forte impression que j’admirais lorsque j’étais adolescent. Ce qui est certain, c’est que là où quelques-uns voient du pur réalisme, moi je vois des monstres. Chaque détail de la vie optique me révèle des drames. Je n’y peux rien. Les herbes semblent crier ou chanter, les pierres reçoivent des morsures, les fleurs se mordent, les arbres marchent en clopinant, les oiseaux saignent et les poteaux gémissent comme le bon larron. Il semble bien que sans montrer directement ces choses vues comme dans un rêve, ma main tente de retenir des images d’un autre monde dans les limites tranquilles d’une scène anodine. Pour montrer quoi ? Je ne sais pas, ce n’est pas une intention que j’ai voulue. C’est palpable, je le constate.
Et puis, un matin, il m’a semblé m’approcher d’une belle synthèse : Aristote et Léon Bloy, deux hommes aussi éloignés que possible, mais deux auteurs que mon cœur aime, avec palpitation. L’intellection étant pour moi un jardin et l’imagination une forêt merveilleuse....
«Corbeau bien posté» Crayons de couleur sur papier teinté, 22x30cm - 2013 (prix:150$)
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«Le chemin de fer la nuit» Crayons de cire sur fond acrylique sur carton, 21x30cm - 2013 (prix:160$)
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«Une voiture la nuit» CRayons de cire sur fond gouache sur carton, 25x30cm - 2013 (prix:160$)
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«Voiture à foin» Acrylique sur panneau, 21.5x34cm - 2013 (prix:300$)
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«Roue de vélo» Stylo à bille sur papier teinté, 22.5x27cm - 2013 (prix:160$)
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«Merle mort» Crayons de couleurs et gouache, 22x27.5cm - 2013 (prix: 260$)
L'atelier du peintre en janvier 2013 à Coaticook.
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