Cristian de León est né à Santiago du Chili en 1966. En 1974 sa famille s'installe à Québec. Il aime observer et étudier la nature tout en dessinant le plus souvent possible. ''J'ai toujours voulu être un bon élève, mais l'école était trop bruyante à mon goût et mes camarades d'école me prenaient pour un éfféminé parce que je parlais d'insectes, de fleurs et d'oiseaux et que je n'aimais pas les voitures!'' Le mieux pour lui était donc de faire l'école buissonière. '' J'aimais me retirer en forêt ou aller lire à La bibliothèque de l'Université Laval.'' Il a donc appris les techniques artistiques seul, aidé par les livres. Autrodidacte, il assimile tout ce qu'il peut.
Cristian a presque toujours travaillé dans le calme de ses ateliers, peu attiré par le marché de l'art. '' Ha! ce que j'aimerai être un Réjean Ducharme de la peinture, un homme invisible qui ne dérange personne et qui fait plaisir à tous par ses travaux !''
À l'adolescence, notre artiste découvre le monde de l'art moderne, avec Picasso, les Surréalistes et l'abstraction. ''Je pensais à cette époque qu'il n'était pas besoin de savoir dessiner pour être moderne !''. Cela dit, il explore. Vers la vingtaine, il ressent un urgent besoin de se replonger dans le dessin. C'est alors une période d'apprentissage sérieuse. Cependant, l'art moderne, même dans ses expressions les plus éloignées de l'art traditionnel ne le rebute point. Au contraire, il s'en inspire fortement. Il raconte souvent : '' J'ai découvert à travers Robert Bateman et Andrew Weth que le réalisme peut s'inspirer aussi de l'abstraction''. En utilisant les modes de composition chez un Jean-Paul Riopelle, un Paul-Émile Borduas, un Pierre Soulages et d'autres, le réalisme s'ouvre pour lui sur des perspectives nouvelles.
En tant que narrateur, je suis embêté pour poursuivre la vie du peintre Cristian de León. Non pas qu’il n’y ait rien à dire de plus, mais parce que des éléments importants dans une biographie qui se respecte manquent cruellement. Ainsi pas de prix décernés, pas de scandales dans les médias, pas beaucoup d’expositions, pas de rencontres marquantes avec des personnalités publiques. Quoi donc alors ? Je n’ai que le silence de son atelier. Replié dans le coin laborieux de son lieux de travail, je l’imagine rêver à quelque paysage sublime alors qu’il maroufle une toile ou qu’il contemple l’anatomie d’une libellule. Las de ne pouvoir écrire plus, je lui ai adressé un mot par courriel. Je lui demandais à quoi peut bien penser un homme de son espèce, sobre et discret comme un anachorète.
Ce Matin, un peu avant dix heures, j’ai reçu une réponse de l’artiste.
«Cher Narrateur,
Si j’ai bien compris, vous voulez connaître un peu plus mes aspirations intimes et mes pensées artistiques pour que vous puissiez les écrire sur le site que vous me consacrez ? Cela pour que le public puisse mieux m’apprécier et plus aimer mon travail ? Fort bien !
Je vais sans doute décevoir bien des gens. Quand j’ai du temps pour rêver, quand je ne fabrique pas d’images, que je ne lave pas mes outils, que je ne range pas mon atelier et que ne consacre pas du temps aux autres domestiques bricoles de peintre fauché, je pense à l’argent. Oui, l’argent ! J’aime l’argent et je ne le cache pas ! Vous comprenez cher narrateur ? En bon artiste, je ne sais absolument pas vendre mes œuvres. Elles s’entassent et souvent quand j’en termine une, je me demande où la placer. Lorsque je trouve une personne agréable et que nous avons des conversations spirituelles, je m’empresse de lui faire cadeau d’une de mes œuvres. Si vous saviez combien de peintures j’ai donné sans réfléchir ! Je donne, je laisse, je me dépouille comme un anachorète sans même pas en être un. Il m’arrive parfois d’engueuler ma Muse, la pauvre ! Je rêve de gloire, de passer à la télé, de me voir dans un article de journal, mais aussitôt je me traine à terre devant le crucifix de notre Sauveur et lui demande pardon pour toutes ces orgueilleuses échappatoires.
Je ne sais pas quoi vous dire de plus, cher Narrateur.
Sincères salutations,
C.d.L., ce 22 octobre 2012»
Et voici ce que je répondais quelques heures plus tard à l’artiste :
«Cher Artiste bien aimé,
Je ne sais pas si je dois vous plaindre ou vous décerner un prix d’humour, car j’ai à la fois été fort ému par vos confidences et amusé par votre style. Mais sachez d’ores et déjà que je suis de tout cœur avec vous et que je comprends parfaitement votre situation. Que faire ? Je n’en sais rien et je m’en excuse. Mon rôle est d’écrire sur vous et de tenir à jour votre site. Pour le reste, je voudrais bien avoir le temps et l’assurance pour vous trouver un mécène, car je crois que vous le méritez. Après tout, vous vous ‘’défoncez comme une bête’’ (selon votre expression), cela se voit. Peut-on en vouloir à un artiste qui s’acharne à produire du beau et à le faire aimer ?
En terminant, il serait peut-être utile pour le public de lire ce que nous venons d’échanger. Accordez-moi cette permission. Si le ciel nous entend, peut-être nous viendra-t-il en aide. Je dis ‘’nous’’ car maintenant que je comprends un peu mieux votre situation, de tout cœur je suis avec vous !
Amicalement,
J.C. 22 octobre 2012»
Notre peintre en 2005 à Limoilou