Je dédie cette page à mon ami Louis Lefrançois.
«ELEMENTOS RURALES» est situé dans la même perspective que «Buses et autres rapaces», c’est une série de peintures et de dessins avec un thème principal développé en variations. Si j’ai choisi un titre en espagnol, c’est en pensant à un recueil poétique de Pablo Neruda «Cantos ceremoniales» et aussi parce que cela sonne bien, plus qu’en français du moins (éléments ruraux). Tout au long du travail, j’ai pensé à deux peintres : Andrew Wyeht et Robert Bateman. Wyeth a comme thème de prédilection l’univers rural, avec ses secrets et ses drames. Bateman, en bon disciple de Wyeth, exploite le sujet avec un souci esthétique proche de l’abstraction lyrique et de l’école de New York (Robert Motherwell ). Pour ma part, j’ai cherché avant tout à exploiter le dessin et mettre la couleur en sourdine. Cette manière de procéder m’oblige à travailler avec plus de souci la ligne. Il reste aussi une autre influence que je voudrais signaler, celle d’Alex Colville. Mes intentions sont très différentes de sa manière de construire le tableau, avec son souci de perfection géométrique qui suppose le compas et la règle à mesurer. Il reste que cet artiste qui a lui aussi interprété le paysage rural. Je ne voudrais pas cacher au lecteur que bien des fois, je suis tombé en extase devant ses œuvres. Et comme je suis dorénavant un peintre du nord, un canadien-français d’adoption, ma foi, je me sens proche de mes compatriotes et de leur manière de voir le monde.
Je me souviens qu’au début, je cherchais maladivement mon style. Je ne voyais pas d’autres ressources que de m’inspirer de tout ce qui me passait devant les yeux. Maintenant, je ne cherche nullement à surprendre les sentiers que je tente de tracer, le style travaille pour moi en quelque sorte. Je dirais qu’une fois les bases acquises, les intérêts aidant, le ton et le style précèdent l’artiste. Car au fond, le style, c’est ce ton singulier qui fait de vos œuvres un chemin, une intention, une invitation. Ce style se confond avec une lumière posée sur des objets. Le style, c’est votre personnalité transposée en couleurs et en formes. C’est une âme qui souffre ou se réjouit, avec ses larmes et ses soleils, durant la nuit ou le jour, en hiver, en automne ou au printemps. Aristote disait de la voix qu’elle est le timbre de l’âme.
On comprend que si l’art de peindre était uniquement une tendance, le style se limiterait à répondre à des excitations bientôt dépassés par d’autres modes, palpitantes sans doute, mais pauvres en ressources humaines. L’art véritable porte en lui une lourde responsabilité : faire accoucher, dans les douleurs de l’enfantement, ce qu’il y a de meilleur dans une civilisation. Quand le marché l’aura compris, il se mettra au service de l’art. Malheureusement nous sommes témoins de l’inverse. Voilà pourquoi la question du style s’attache présentement à valoriser des carrières et non des vocations. Temps ingrats pour la véritable création ! Notre tâche sera toujours de nous tourner vers la lumière.
«Vieux saule» Encre sur carton, 13.5x14cm - 2013 (Coll. privée)
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«Branche de saule» Encre sur carton, 20x28cm - 2013 (Coll. privée)
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«Clôture» Gouache sur carton, 21x27cm - 2013 (prix:180$)
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«Temps frais» Aquarelle sur papier aquarelle, 14x21cm - 2013 (prix:80$)
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«Voiture agricole» Gouache sur carton, 22x31cm - 2013 (prix:200$)
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«Ciel d'avril» Gouache sur carton, 21x40cm - 2013 (prix:200$)
Ici, le choix des couleurs a volontairement voulu suivre la palette d’Andrew Wyeth. Ce que j’aime en travaillant avec la gouache, c’est la facilité avec laquelle on peut refondre les couches peintes. Et puis aussi, elle permet facilement (du moins pour moi) d’exploiter la lumière spectrale. La lumière spectrale est la lumière réfléchie dont la lune - projetant sa lumière sur la terre - en est le prototype interminable. C’est une lumière que l’on peut qualifier de ‘’glauque’’ ou de ‘’laiteuse’’. Elle a pour moi une valeur toute particulière. Ici au Québec, l’humidité ambiante transforme la vision du paysage à certains moments. Ainsi la lumière de l’astre solaire passe à travers l’air chargé d’humidité et offre cette sensation, toute agréable, que la lumière est liquide, vaporeuse, palpable. La lumière dévoile l’objet. Hé bien, l’objet par la suite devient à son tour redevable de cette lumière. Si j’habitais dans le désert, en Arizona par exemple, je verrais la lumière comme une flamme dévorante. Quel beau contraste !
«Tracteur» Gouache sur carton, 21x21cm - 2013 (prix:200$)
Peindre n'est pas toujours une partie de plaisir, pas plus que jouer aux échecs ne l'est pour Bobby Fischer ! Au départ je tenais à peindre cette vieille éolienne et une buse en vol. Quelques difficultés techniques s’imposèrent. Alors voyant les ressources que m’amenait l’éolienne, j’ai voulu traiter l’objet pour lui-même. C’est ainsi que le ciel, avec son soleil couchant, m’a imposé son charme. Dans mon imagination, le vieil objet rouillé par la pluie et le beau temps est devenu une sorte d’allégorie de l’astre flamboyant. Ensuite le vent à fait son œuvre en faisant tournoyer interminablement cette vieille chose. On peut encore entendre ses sons grinçants, n’est-ce pas? Et ma buse ? Elle est disparue comme les ailes de cire d’Icare…
«Ancienne éolienne» Acrylique sur carton, 21x24cm - 2013