Atelier, quand tu nous tiens !
Lorsque je lis des livres de science et de philosophie, j’envie souvent l’auteur qui peut se cacher derrière son texte et qui n’a pas toujours recours aux ‘’je’’ et aux ‘’moi’’. Quand on est un artiste, c’est différent, ne serait-ce que parce que notre travail nous plonge dans le singulier. Je ne dessine pas LA chaise universelle, le concept, mais cette chaise-ci. De plus, les artistes adorent qu’on les traite aux petits oignons. Ils adorent qu’on parle d’eux et le plus souvent en bien.
Ceci étant dit, je vais vous entretenir en vous parlant de mon atelier, le mien, pas celui d’un autre ! J’ai écrit un jour à un de mes amis peintres, que mon atelier est un havre de paix et un champ de bataille. A-t-on idée de ce que cela peut bien vouloir dire ? Rassurez-vous, je sais bien qu’en bon artiste que je suis, j’aime bien imaginer que je resterai incompris durant des siècles, pourvu que mes œuvres se vendent bien (c’est-à-dire en millions de $).
Havre de paix, c’est certain. Peut-on travailler dans le désordre et l’insécurité? Impossible. Champ de bataille, question de ne pas s’ennuyer, car l’ennui est pour un artiste un péché grave. Écarté par ces deux pôles familiers, mon atelier fonctionne à plein rendement, comme en usine.
L’ami lecteur se demande : «Pourquoi vous ne faites pas l’éloge de la peinture au grand air ?» Avant de répondre, j’ai posé la question suivante à un peintre qui venait de planter son chevalet dans un parc où j’étais venu observer les oiseaux : «Pourquoi peignez-vous dehors?». Sa réponse fut toute aussi franche que spontanée : « C’est mieux.» Courte et décevante réponse. Si j’avais insisté, dans le genre : «Mais pourquoi c’est mieux?» Il aurait été dans l’embarras. Mais alors, pourquoi peindre dans son atelier, est-ce mieux ? J’ai le plaisir de vous dire que moi, je ne suis pas dans l’embarras ! La question ne se pose pas ainsi, brutalement. Formulons-la avec calme, en déroulant docilement le plan.
Et commençons d’abord par dire ce qu’il est de bon de savoir lorsqu’on travaille dehors. Il est clair que le travail au dehors ne peut durer aussi longtemps que le travail en atelier. C’est simple à comprendre. Si peindre au dehors c’est avant tout s’inspirer d’un sujet, ce sujet change vite. Car au fond, vous désirez capter les passagères impressions qui bouleversent le paysage, vous voulez saisir la lumière ambiante, la fixer vitement et avec bonheur. Ne demandez pas à Alex Colville d’être spontané, car une œuvre sienne peut lui prendre de quatre à six mois !
Voilà donc les raisons principales qui divisent le peintre du dedans et celui de dehors : le temps d’exécution. Vous l’aurez compris, Colville est un peintre d’atelier. Autres raisons divisent le travail d’atelier et le travail en plein air : la lumière. Avez-vous remarqué que pour certains, la qualité première d’une peinture est sa clarté ? Une peinture selon cette école, doit être claire, lumineuse, je dirais même que les couleurs doivent être vibrantes. Peindre au dehors, c’est être entouré par la lumière puisqu’il n’y a pas de murs. On s’imagine aisément le peintre d’atelier produire des œuvres sombres…
N’allez pas croire que je considère le travail en plein air comme mauvais. Des œuvres sublimes ont été peintes près d’une rivière, dans un parc, au bord de la mer. Ce que dis, c’est qu’il est bon de savoir pourquoi on adopte tantôt l’atelier, tantôt l’air pur. Et puis, on peut commencer une œuvre au-dedans, puis la terminer au dehors, comme le fait souvent Robert Bateman. L’inverse existe aussi.
Et puisque nous y sommes, parlons de la lumière ! Une œuvre d’art est le miroir de la nature. La peinture est l’art par excellence de la lumière. Mais au lieu de parler généralement de la lumière, parlons plutôt des lumières. En effet, la nature nous offre une grande quantité de types de lumières. Quatre saisons, douze mois, 24 heures, ajoutez à ça les variations qu’offre l’humidité ambiante. Consultez un peintre comme Salvador Dali et demandez-vous pourquoi il ne capte pas les mêmes impressions qu’un Bruegel l’Ancien. La lumière est à la rigueur un phénomène local. Si vous êtes chef cuisinier, vous voulez mettre en valeur les produits de votre coin de pays. En effet, un bon chef ne cuisine pas avec LA carotte comme concept universel, mais avec ces carottes-ci, ces navets-là…
Je le dis parce qu’on a fait tellement de tapage autour de la lumière depuis Impressionnistes que l’on se sent obligé maintenant de parler de la lumière comme d’une extase mystique. Non ! Un peintre doit peindre certes, mais il doit aussi réfléchir un peu. Et c’est ce que l’atelier permet. Une saine attitude doit d’abord commencer par la connaissance régionale de la lumière. Sinon vous ne comprendrez jamais pourquoi les peintres italiens diffèrent des peintres français ou espagnols. Que la lumière soit perçue vive, glauque, rude, sèche, vaporeuse ou d’une autre qualité, il vous faut la connaître et l’apprécier avec vos yeux et non avec votre intellect. Par la suite, il vous sera plus simple de l’aimer. Lisez Eugène Fromentin, dans son beau livre ‘’Les Maîtres d’autrefois’’, raconte qu’il s’est donné la peine de parcourir les lieux fréquentés par les peintres qu’il désirait connaître. Parler de la lumière d’une façon abstraite, en peinture, c’est dire n’importe quoi.
Dirais-je maintenant que le dehors est un prolongement de l’atelier ? Certainement !
Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur l’atelier, mais ce que nous venons de voir est déjà considérable. Aux impressions du dehors, il faut joindre les méditations du dedans.
«Chemin de fer à Coaticook» Acrylique sur carton, 20x33cm - 2012 (prix:500$)
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«Nature Morte IV» Crayons de couleur et cire sur papier teinté, 22x30cm - 2012 (prix:300$)
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«Nature Morte III » Crayons de couleur et cire sur papier teinté, 22x30cm - 2012 (Coll. privée)
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«Nature Morte II» Crayons de couleur et cire sur papier teinté, 22x30cm - 2012 (prix:300$)
«Nature Morte I» Crayons de couleur et cire sur papier teinté, 22x24cm - 2012 (prix:300$)
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«Près d'une rivière» Gouache et crayons de bois sur carton, 20x30cm - 2009 (prix:400$)
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«Souvenirs de la Nouvelle-Écosse» Gouache sur carton, 22x41cm - 2007 (prix:400$)
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«Paysage à l'huile» Huile sur toile marouflée, 42x56cm - 2012 (prix:840$)
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«Tamia rayé» Acrylique sur carton, 32x49cm - 2012 (prix:780$)
Je remercie chaleureusement Alexandre Carrier qui, dans son atelier le ''Saint-Maurice, à Saint-Dominique, a eut la gentillesse de couper mon contreplaqué.
«Reflets» Acrylique sur carton marouflé, 37x39cm - 2012 (prix:780$)
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«Impressions automnales» Acrylque sur panneau, 46x61cm - 2012 (prix:1200$)